De cette porte capitonnée, au bout d’un couloir sans éclairage, seuls le beat et les infra-basses filtrent. Une lueur dessine parfaitement les contours de l’entrée, mais ce sont les pulsations auxquelles semblent obéir le trait de lumière qui intriguent. Chaque frappe de grosse caisse le rend plus intense et lui fait inexorablement gagner du terrain sur la noirceur des lieux. Aucun doute, on est au bon endroit.

Après leurs lives qui depuis France les avaient propulsés dans toute l’Europe puis dans le monde entier (Inde, Canada, Corée du Sud, Afrique du Sud..), et quatre ans après leur dernière trace discographique, c’est donc là que s’est replié Sax Machine pour ce troisième album. Derrière cette porte au-delà de laquelle continue de courir un réseau de connectique qui serpente sur le sol. Où se termine-t-il ?

Dans une colonne vertébrale organique, cimentée à la musique noire américaine, dans laquelle se sont branchés les jacks des amplis, des micros, et des machines aux capacités poussées dans le rouge.

Créer ses propres samples plutôt que de les capturer ailleurs, distordre la réalité musicale pour en créer une nouvelle où l’instrument n’est pas condamné à sortir éternellement les mêmes sons. L’ADN sonore livré aux triturages électroniques qui le disloquent pour le reconstruire plus loin.

Autour des saxophones de Guillaume Sené et du trombone de Geoffroy De Schuyter, les câbles de samplers et de pédales d’effets se sont lovés. Lianes remontant puis enserrant les troncs cuivrés, ils ont fusionné avec eux, absorbant les notes des clés et de la coulisse pour les faire voyager à travers circuits imprimés et processeurs. Et les voir ressortir entièrement métamorphosées, muées en basses grasses, en boucles non-identifiées et non-identifiables. Le flow souple et la technique au service du sens, c’est sous les rimes poétiques de Days que paraissent s’actionner les pads de MPC, pour créer la rigueur intraitable des rythmiques partagées à l’occasion avec Davu Flint, MC, chanteur, invité de luxe. Le sens du groove ouvert dans les deux sens, Sax Machine rend hip hop son funk et soul son hip hop, laissant la vivacité du jazz à l’abri des découpages et séquençages, libre de ses soli et de ses phrasés venus du Sud des Etats-Unis comme du plateau du Danakil.

Épuisée à trop vouloir contenir le bouillonnement de Sax Machine, la porte montre ses premiers signes de faiblesse. Des fissures naissent et s'élargissent à mesure que frappe la grosse caisse. Les rayons dessinent des lettres qui se distinguent nettement malgré la lumière devenue aveuglante. S’inscrit alors distinctement dans le noir, THE GLOW.